21 juin 2006

rien que la vérité

Lundi, j'ai du affronter un moment que je redoutais depuis un mois. J'en faisais des cauchemars la nuit, je faisais des recherches sur internet, lisait des témoignages, bref, ça m'obsédait. Et il a bien fallu que j'y aille.
Tout a commencé fin mai quand j'ai reçu un courrier de la courd*assis*ses me précisant que j'avais été tirée au sort parmi les personnes inscrites sur liste électorale de ma ville. J'ai fait un bond de quinze mètres devant ma boîte aux lettres, car, certes, je suis une bonne citoyenne (enfin je pense hin hin) mais bon, avec mes trois enfants à charge, je me voyais mal siéger à côté de monsieur le juge. J'ai alors écrit une demande de dispense, que je pensais justifiée. C'est humainement impossible de séparer une mère de son bébé de six mois pendant une session de trois semaines. Certains experts me diront que je n'aurais sans doute pas été tirée au sort à chaque procès, mais connaissant ma chance, on ne sait jamais.

Ayant donc basé ma dispense sur mes enfants et également sur le fait que j'allaite encore mon chonchon à 100%, je me suis rendue dans cet endroit très strict et impressionnant qu'est une salle d'audience. Avec mon bébé. Ben ui, corsons la chose au maximum, tant qu'à faire.
J'étais au summum du stress depuis la veille, et quand le réveil a fait son office ce matin-là, j'avais le ventre tellement noué qu'il m'était impossible de concevoir un petit-déjeuner. C'était un peu idiot, j'en conviens, car j'étais quasiment sûre d'être dispensée, mais c'était plus fort que moi, et puis je n'y connais rien aussi, je ne savais pas dans quoi j'allais être plongée.

Pour commencer, je dois aller prendre le bus à environ un quart d'heure de chez moi. Soit. Ledit bus arrive avec un quart d'heure de retard, soyons fous. Je me gourre d'arrêt pour descendre et me perd dans la ville, oh je panique si peu. Finalement, j'arrive à 9h17 -pour une convocation à 9h15, je me trouve plutôt raisonnable- avec ma poussette et mon chonchon qui dort dedans (rassurez vous, ça ne va pas durer longtemps, sinon ça serait pas drôle). Une sorte de fliquette m'onomatope à propos de mon bébé, mais que voulez vous qu'elle me dise, je ne vais pas lui laisser non plus hein, maintenant que je suis là. Heureusement qu'ils ont débranché le détecteur à métaux, on ne sait jamais hum.
Une cinquantaine de personnes sont déjà là assises sur les bancs de la salle (oubliez la série "tribunal", c'est pas comme ça en fait uhuhuh). Le greffe tape son petit discours sur la définition d'une courd*as*sisses et il faut aller remettre sa convocation à l'huissier qui pointe sur un listing les personnes présentes. Nan mais celui-là, environ deux de quotient intellectuel déjà pour commencer, et ensuite pas très correct. Je lui demande quelles sont les démarches à faire lorsqu'on a demandé une dispense, il me répond "ah mais on est en train d'en parler là, faut arriver à l'heure" (il est 9h18, je précise que je n'ai que trois minutes de retard). Ah mais oui, je suis un peu tributaire du bus hein, donc faut se calmer pépère (j'ai pas dit la deuxième partie de la phrase, il se serait énervé je pense). Je donne donc ma convocation et il me montre une patte de mouche rouge en dessous de mon nom qui indique que j'ai envoyé une demande de dispense avec certificat médical. Je vais donc récupérer mon chonchon, alors surveillé par la fliquette, et vais m'asseoir moi aussi sur un banc.

Le greffe blablate sur le rôle des jurés en se la pétant d'une force incommensurable, et j'apprends que chaque cas va être étudié par la cour, et qu'on va être appelés chacun notre tour pour éventuellement faire part de nos problèmes pour participer à la session. J'ai très envie d'aller aux toilettes hein, ça m'impressionne moi tout ça. Mais mon chonchon se réveille à 9h34, rien n'a commencé encore, et je me dis que la matinée va être longue, mais longue.

L'avocat général en robe rouge d'avocat arrive, c'est un papy assez sympathique, puis une sonnerie retentit. Voilà la cour, on doit se lever (puis se rasseoir, ça fait un peu messe, ce qui me fait rigoler intérieurement). Je m'aperçois qu'il faut que je change la couche de mon bébé, même que ça a débordé, oulà, je ne suis entourée que de messieurs entre quarante et soixante ans, hum. Je bredouille des excuses et procède au plus rapide changement de couche de l'histoire, tout en jettant des regards furtifs vers le juge et ses acolytes, qui ne sont pas là pour rigoler hum. Mon chonchon est déchaîné, il agite mes clés, pousse des petits cris et commence à ronchonner sévèrement. Je me dis que c'est le moment de lui donner la tétée, mon nom est en fin de liste alphabétique, alors je pense avoir le temps. Lalalalalala. Pas du tout en fait. Genre deux minutes après, j'entends mon nom.

Panique à bord.
Je remets mon t-shirt, je dois être blanche comme un linge car j'ai répondu "oui" à l'appel de mon nom et TOUT LE MONDE me regarde, avec mon bébé dans les bras, un néné à moitié sorti. AAAAARGH! Je fais quoi là, une crise d'angoisse?
Non (presque)
J'essaie de mettre mon loulou dans sa poussette, mais il se débat et se met à hurler, c'est vrai que je lui ai retiré la bouffe de la bouche sans préavis. Alors je prends mon courage à deux mains et avance vers la barre en tremblant comme une feuille, parce que je suis sensible. J'arrive devant le juge et j'ai l'impression de me liquéfier sur place. Faut que j'ouvre la bouche et que j'évite de sortir des couneries plus grosses que mon derrière. Je marmonne "euh ben voilà monsieur j'ai demandé une dispense car j'ai trois enfants en bas âge à charge et j'allaite toujours mon fils". J'ai une pauvre voix molle et tremblottante (j'ai pas envie de pleurer hein), et le président demande l'avis de l'avocat général. Oui, c'est lui qui donne un avis favorable ou pas sur une éventuelle dispense. Le papy est drôle et dédramatise les choses en disant qu'il fallait bien des enfants pour payer leurs retraites, tout le monde rigole dans mon dos, ahahahaha (pas moi parce que je suis sinistre et surtout liquéfiée). Et c'est tout.

Je repars à ma place.
Avec mon fils qui s'agite et qui ne loupe pas une miette du pestacle.

Les gens continuent de passer devant la cour, pour des dispenses partielles surtout. La dame dont les deux filles vont accoucher deux jours de suite, le monsieur qui n'a pas de transport, un autre qui a une réunion hyper importante tel jour etc. Les magistrats sont quand même super conciliants, ils ont besoin de monde, donc ils ne cherchent pas à braquer les gens, et essaient de respecter leur vie au maximum. De temps en temps, il y a un silence, quand le greffe cherche dans ses papiers par exemple, et c'est le moment que choisit mon chonchon pour sortir LE rot de buveur de bière de l'année, le truc le plus guttural qu'il n'ai jamais émis, et ça a résonné, je vous dis que ça.

Lalalalalala
Tout le monde se marre.
Faut dire que je ne peux pas le poser, dans la poussette il pleure, sur mes genoux il s'agite, sur le banc il se retourne. Donc je le garde dans mes bras, mais le pauvre petit père, il est énervé et fatigué, il en a marre. A chaque bruit de bébé, les gens se retournent et me regardent, ce n'est pas méchant mais un peu gênant.

Vers 10h45, on fait une pause pendant laquelle la cour statue sur notre sort.

Et moi aussi je fais une pause, tiens.


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